Le corps vibrait telle une corde d’un violoncelle, mon chéri était à nos côtés, une seconde à côté de sa petite fille,l’autre avec moi, j’attendais l’heure de la délivrance, remonter à ma chambre, j’avais la robe de soirée d’Eve, enveloppée dans un kimono fleuri, ce fut le code d’un bal nocturne, en attendant les dernières créations de la couturière.
Dans cette attente, on papotait sur cette journée de grève faisant fi du scénario hilarant du matin sauf pour une chose, la recherche du prénom de la petite princesse, son papa m’a posé la question, ma réponse qu’il me fallait du temps pour y réfléchir.
Entre temps, j’ai eu ma mère au téléphone bouleversée, j’ai essayé de la rassurer de même pour mon père en narrant quelques bribes de l’aventure matinale, j’ai fait la même chose avec ma sœur. Mon chéri était à mes côtés, j’avais besoin de cette présence pour mon équilibre mental, tout s’est passé dans une fraction de seconde, je ne contrôlais rien du tout, je divaguais entre les ambulances ensuite, les urgences gynécologiques.
À l’heure du thé anglais, ils me transportent dans une chaise roulante vers ma chambre, cette journée de décembre, le mercure n’avait pas le moral, il était dans les chaussons, la tenue d’Eve n’était pas appropriée. Le temps de m’installer, la petite princesse est arrivée, il était temps de faire connaissance, la jeune demoiselle faisait sa sieste. L’heureux jeune couple se familiarisaient avec elle en douceur.
Je n’avais ni portable, ni habits, les points de suture jouaient au piano sur la chair fraîche, je suis allongée sur mon lit, le petit ange dormait. Le papa est parti amener le nécessaire pour la maman et la petite. Durant, ce laps de temps, j’ai rembobiné l’aventure matinale, les contractions, je les sentais toujours, la synchronisation rétablie avec le locataire insolite, je me demandais comment annoncer la nouvelle à mon cercle intime, j’ai pensé à envoyer un message pour expliquer la situation, je trouvais cela compliqué. Il suffisait d’un appel et l’affaire est réglée.
J’ai essayé de me reposer, beaucoup d’émotions, on m’annonce qu’on a oublié de prévoir le dîner pour ma chambre, heureusement, mon chéri avait prévu le nécessaire, il m’a déposé le téléphone et quelques pyjamas, il a changé la couche de la petite, elle a tété un peu, j’avais faim, cela faisait 24h sans manger.
Mon téléphone n’a pas arrêté, plusieurs appels et messages sur whatssap. J’ai répondu pour annoncer la nouvelle en douceur pour les personnes qui prenaient de mes nouvelles quotidiennement.
Le choix du prénom fut une longue conversation entre rendre hommage à son arrière grand-mère, trouver un prénom branché, nous avions rebâti le monde, nous avions trouvé un compromis, une halte s’imposait. La première nuit était rude, le corps meurtri par la douleur, le peu que j’ai dormi était rembourré de cauchemars….
Ce vendredi matin, la vue était magnifique de la terrasse condamnée, la petite princesse voulait prendre son petit-déjeuner, elle était prioritaire, ensuite j’allais prendre le mien avant de rencontrer les professionnels de santé, pour vérifier certaines choses et effectuer des analyses. Plusieurs pensées s’entrechoquaient, pour les arrêter,j’ai pris mon courage à deux mains, j’ai commencé ma série d’appels.
L’une des réactions qui m’ont marquées, celle de ma tante, j’ai expliqué la situation, sa mémoire était sélective, elle a entendu que j’étais enceinte d’une petite fille mais le cerveau a ignoré le détail de l’accouchement. Elle était en cuisine, je lui ai dit d’en sortir, beaucoup de bruitage, j’annonce la nouvelle autrement, elle a piqué un fou rire, le temps que je reparle, le fou rire redémarre, 3 fois de suite, il y avait quelques mots saccadés. Elle est sous le choc, elle avait une seule expression : un cadeau divin. C’était le titre phare de toute les réactions. Tout le monde était heureux de la nouvelle invitée, certes très surpris mais comblés de bonheur et de quiétude.ils découvrent sur le tas ce que c’est un déni de grossesse total.
Durant ce carnaval d’émotions, un des professionnels de santé, il m’annonce que je suis anémique, je le savais avant car j’ai eu des soupçons 3 semaines avant l’accouchement. Ils ont prévu deux perfusions de fer, quelques analyses pour voir l’état de mon corps. La prise de sang devient une mutilation physique et psychologique sous peine que mes veines sont invisibles. Les professionnels sont toujours accompagnés de stagiaires, certains ont des ondes négatives, d’autres positives. Ils ont reproduit dans mes avant bras, une partie du cosmos, cette partie violette pointillé par des points du jaune et du bleu dégradé.
La stagiaire m’installe l’infusion du fer tout sourire, elle remonte le lit, pour que la position du cathéter soit bonne. Un soleil hivernal se faufilait des stores, elle me rassura qu’elle va redescendre le lit, une conversation banale, ma mémoire de poisson rouge a oublié de lui dire de descendre le lit.
Les lumières de Râ réchauffent plus que prévu, la petite princesse se tortille, les lueurs commencent à l’atteindre, je panique… Je cherche le fameux bouton pour appeler l’infirmière, il est hors de portée, le téléphone fixe est inutilisable. J’ai usé des astuces pour faire approcher mon portable entre mes mains, ce fut très acrobatique, tout essayant de ne pas corrompre la perfusion de fer.
J’appelle le standard pour pouvoir appeler l’infirmière du service maternité sur ma situation, il fallu 3 appels et une vingtaine de minutes pour m’envoyer le personnel du ménage pour me dépanner. J’ai trouvé cela aberrant. Au moins ma petite princesse était à l’abri.
J’ai fait le choix de l’allaitement maternel sauf que durant mon séjour dans la maternité, j’ai eu des crevasses, on demandait des biberons à compte gouttes, sauf certaines personnes qui connaissaient nos besoins. Je voulais retourner à la maison, je me suis sentie délaissée.
Une chose inhabituelle pour moi, par rapport au premier accouchement, le manger était en self service, il fallait se déplacer avec le bébé, le déposer à la pouponnière, puis prendre son plateau, je trouvais cela inhumain, il fallait être accompagnée pour pouvoir manger, une femme qui vient d’accoucher, elle a besoin de repos,de ne pas soulever du poids même un kg. C’était leur manière à nous motiver pour faire du sport.
La nourriture était fade, on piquait dans les plateaux, on dirait que nous sommes dans une cantine pour enfants, même si je doute que cela se produit de telle manière, une ou deux fois, j’ai vu quelques aliments absents, je les ai mis sur le compte de l’oubli, ensuite, la troisième fois, j’ai averti l’infirmière, à demi mot, elle confesse que les gens ne respectent pas les consignes, ils piquent chez les voisins.
Drôle de confidence…. L’envie de quitter ce lieu devient une urgence, mon petit bonheur me manque, deux jours sans le voir, j’avais envie de le sentir, de le câliner, le voir sourire surtout après l’avoir vu apeuré le fameux jour j. Il me renda visite le 3ème jour, il était dans sa poussette, il s’agite en me voyant, on le fait descendre, il vient avec des pas confiants arborant sa petite jacket de cuir comme un vrai rider, un regard malicieux, il se jette entre mes bras, il regarde sa petite sœur, il sourit puis il s’aggripe à moi, il ne voulait pas que sa grand-mère lui donne à manger. Ce fut un immense plaisir de le faire manger.
Ce sont des moments précieux, l’inconscient et la conscience s’harmonisent pour graver ses instants, il essayait de jouer avec moi,pincer mes joues. J’étais toute à lui. Ce fut un après-midi qui m’a rechargé en courage, il a essuyé une part de culpabilité envers lui le jour de l’accouchement.
L’envie pressante de retourner à la maison s’amplifie, une deuxième transfusion de fer était un supplice. La puéricultrice vient me voir lors du petit déjeuner vers 7h30 du matin, nous étions entrain de papoter, ce fut une nuit rude, mon corps ne suivait pas, ma pomme d’amour a pris soin de notre petite princesse. Elle venait me voir spécialement pour prendre le bain à mon petit soleil. J’étais incapable de me tenir debout plusieurs minutes, il faudrait presque une vingtaine de minutes, le bain était prévu vers 9h30,le papa a demandé si on pouvait l’avancer, la puéricultrice était d’accord mais sa supérieure ne tenait qu’à son planning tel un robot. Mon chéri était dans le parking, il me rappelle pour voir ce qu’il en est. Rien à signaler, sauf au moment de raccrocher, elles se pointent tout sourire: » Allez… on commence avec vous » mon chéri rebrousse chemin. Le temps de sortir de la chambre,il était là, je marche en pas affaiblie.Elle insistait que je fasse le bain, j’ai tenu pendant cinq minutes, le papa a pris le relais, des contractions ont refait surface. Je m’installe sur une chaise. La file s’allonge dans la pouponnière, voire un embouteillage de lits de bébés.
Dans ce temps, elle piquait ma princesse pour des derniers tests, elle avait une tâche bleuâtre sur le dos de sa petite main, son petit frère lui ont pris un peu de son talon du pied indolore selon la puéricultrice de l’époque. Elle a beaucoup pleuré malgré la solution sucrée, l’infirmière en chef lui mis une tétine, chose que je déteste, c’était pour son bien, le temps qu’elle s’est endormie,je l’ai enlevée.
Je me sentais fatiguée, je ne voulais ni parler, ni voir quelqu’un. Je voulais savourer ce moment de quiétude, le temps de finir cette réflexion, la pédopsychiatre pointe son nez, elle est venue une fois lors de mon entrée, nous avions papoter, narrer l’aventure, elle voulait parler au papa, j’avais l’impression qu’elle essayait de réveiller une certaine culpabilité en donnant des conseils comme quoi, il faut avoir une attention spéciale, souvent la porter, pour créer un contact, elle insisté sur ce point, malgré qu’elle observait le moindre geste de la petite et ma réaction envers elle, je voulais juste qu’elle disparaîsse. Elle avait retardé ma sortie jusqu’à lundi, un rendez-vous avec elle, c’était après le nouvel an.
Dimanche soir, j’ai rangé ma valise, prête pour partir, mon petit bonheur me manque, mon chez moi me manque. Lundi matin, la chambre est clean, les affaires sont dans la voiture, j’attendais le dernier passage des professionnels avec leurs stagiaires. J’ai posé mon regard sur le ciel, il était mitigé, il reflétait mon état, quelques éclaircis de part et d’autres.
Le billet de sortie a été validé, impatiente de sortir, j’ai regroupé le peu de force que j’avais pour rejoindre la voiture, je suis sortie en chaussons se baladant dans les couloirs, après avoir pris plusieurs ascenseurs, nous traversons la porte, quelques goutelettes de pluie, éparpillés tel le moral d’une mère en post-partum sans l’accentuer par des épreuves inédites. L’aide le plus précieux que vous pouvez lui fournir, veiller à son bien-être psychologique et physique. Elle a besoin d’attention et tendresse comme un nouveau-né, de l’écoute comme un bébé qui réalise ses premiers babillages. C’est un enfant dans un corps de femme.
Chapeau bas à toutes les mamans qui luttent en silence avec un grand sourire, sacrifiant leur bien-être au profit de leur enfant. Aucun hommage ne pourrait vous suffire. Merci ma maman chérie.
La jeune maman retourne au bercail sous une lumière hivernale tantôt grise tantôt joyeuse, humer la fragrance de mon petit bonheur et mon petit soleil à côté, une nouvelle histoire will be told *
*will be told: va être racontée